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FOOT REPUBLIK Aïcha Noui
2 mars 2019

Les Gueules noires du Racing club de Lens : football et intégration sociale

Article publié sur le blog Melting Nord en 2015.

Eq-1953-1954-1R-Cinquantenaire-1024x942L’équipe de l’équipe première de Lens entre 1955 et 1956 avec Arnold Sowinski lors du 8e de finale de la Coupe de France. Crédit photo Archives municipales de Lens.

 

Le Racing Club de Lens est marqué par l'arrivée des immigrés venus travailler dans les mines. Si le club artésien a été un exemple de la culture de l'intégration par le football, il était surtout dans les années 1940, le moyen d'instaurer un contrôle social dans les mines. 

 Le Racing club de Lens (RCL), club des Gueules noires, a longtemps respiré au rythme des mines de charbon. Cette réputation, il la doit en partie aux centaines de milliers de mineurs polonais arrivés dès 1922. Le club va y recruter ses meilleurs footballeurs et composer l’une des plus belles équipes entre 1953 et 1956. « À cette époque, le club était un véritable accélérateur d’intégration », commente Marion Fontaine, enseignante chercheur en histoire et écrivain.


Du stade à la mine
Le club artésien qui recrutait jusque dans les années 1930 des migrants sportifs, comme le Hongrois Ladislas Smid et l’Autrichien Anton Marek, va opérer un tournant avec les grandes grèves de 1948. Les interruptions de travail vont durer huit semaines. Les patrons des compagnies minières ont alors très peur. Pour calmer les ardeurs insurrectionnelles au fond de la mine, le RCL, propriété des houillères, « va alors puiser dans le vivier des enfants polonais, la deuxième génération, celle qui est née en France », raconte l’historienne.

Le club de foot lensois va alors se muer en outil de contrôle social dans les mines. « À moment-là, la volonté d’intégration du club est une stratégie par défaut, selon Marion Fontaine. Il valait mieux que les gens aillent au stade plutôt qu’ils fassent grève. C’était aussi un moyen de lutter contre le communisme très présent chez les mineurs polonais.» C’est d’ailleurs à cette époque que les contrats de « footballeurs-mineurs » sont créés. Cela permettait à ces derniers de travailler dans la mine et de porter le maillot de l’équipe première du club.

Daniel Polacinski est supporter du RCL depuis que son père mineur l’a emmené au stade Bollaert pour la première fois. Il avait dix ans. « C’était une époque dorée avec Bernard Placzek, Arnold Sowinski, ou Maryan Winiewski. Les footballeurs polonais étaient très appréciés par la population, se souvient Bernard. Ils étaient une vitrine de l’immigration, ça permettait aux autres de s’intégrer plus facilement. » Mais la volonté du club s’est effritée dans les années 1960-1970 avec la fermeture des mines. Le club s’est normalisé. Et la vague d’immigration suivante, celle issue du Maghreb est arrivée « dans un système qui ne fonctionnait déjà plus », explique Marion Fontaine. Une époque révolue aujourd’hui pour le RCL, un club symbole et témoin de ce passé minier.

Le club recommence alors à recruter sur le marché des transferts vers la fin des années 1950. L'Algérien Ahmed Oudjani, pur migrant sportif, arrivé en 1958 au sein du club, n'a jamais travaillé à la mine: « Il était adoré dans les tribunes. Il a été un grand joueur et il reste à ce jour le meilleur buteur du club, raconte Daniel Polacinski, supporter historique. Tous les supporters se reconnaissaient en lui

Quarante ans plus tard, en 1998, l’équipe lensoise championne de France n’était plus le miroir de son histoire. Un sacré paradoxe dans le bassin minier qui doit aussi une part de son histoire à ces mineurs venus d’ailleurs.

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